Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
du tout venant
23 mars 2016

Apprendre F.de Closet

LE BONHEUR D'APPRENDRE

APPRENDRE, c'est un effort. Aucune machine, aucune recette, aucune pilule ne peut le faire à notre place. Au jeu de l'apprentissage, il faut toujours payer de sa personne. Ce qui est donné instantanément, qui ne requiert aucun entraînement, aucune recherche, aucune étude, n'apporte rien. Des maîtres peuvent nous guider, des méthodes nous aider, des machines nous assister, des professeurs nous instruire, mais il nous faudra toujours parcourir le chemin si nous voulons arriver au but.

APPRENDRE, c'est un enrichissement. Non pas de l'avoir, mais de l'être. Jouer d'un instrument, pratiquer un sport, maîtriser une langue, comprendre une philosophie, connaître un pays ou cultiver les roses de son jardin, peu importe le hobby ; dès lors que nous le pratiquons avec constance et passion, c'est notre personne qui prend de la valeur, pas notre patrimoine. Et ce profit-là, nul impôt, nulle dévaluation ne nous le reprendra.

APPRENDRE, c'est une aventure. Certainement pas un voyage organisé dont les étapes et le point d'arrivée sont annoncés sur le programme des agences. Impossible de prévoir les plaisirs, les émotions, les étonnements et, pourquoi pas, les répulsions. Il faut prendre ses risques et ne pas lâcher à la première difficulté. La montagne est toujours la même quand on la découvre depuis le belvédère où s'arrêtent les cars de touristes le temps d'une photo, elle ne sera jamais pareille pour ceux qui tenteront de l'escalader à pied. Pour les uns, ce sera une image ; pour les autres, une histoire.

APPRENDRE, c'est une initiation. L'apprenti s'engage sur une route tracée par d'autres : en mettant ses pas dans les leurs, il rejoint leur communauté. Celle des astronomes amateurs ou des chercheurs de fossiles, des fous d'opéra ou des accros d'lnternet, des passionnés d'histoire ou des peintres du dimanche, celle d'autres hommes qui partagèrent la même passion. Toute culture nous fait pénétrer dans un savoir constitué, un art élaboré. Apprendre, c'est toujours s'approprier une parcelle d'un patrimoine immense, celui de l'humanité.

APPRENDRE, c'est un plaisir. Dans nos souvenirs scolaires, le bonheur est associé à la réussite, pas au travail. Nous nous sommes embêtés pendant des années et puis, un jour, nous avons sauté de joie en découvrant notre nom sur une liste de reçus. En l'absence de cette gratification, nos efforts n'auraient eu aucun sens ; ne nous auraient procuré aucune satisfaction. A ce jeu, nous avons oublié que le plaisir de découvrir existe en soi et pour soi, qu'il ne dépend pas de sa rémunération. Certes, l'apprentissage comporte des étapes fastidieuses, répétitives, harassantes. Il faut faire des gammes pour assouplir son corps et son esprit, et le noviciat n'est guère gratifiant. Il vaut mieux le savoir. Mais quel bonheur à chaque progrès ! Un bonheur ignoré de ceux qui, rebutés par les premières difficultés, ont préféré le plaisir clé en main des services gadgétisés.

APPRENDRE, c'est beaucoup plus qu'apprendre. Car cette initiation n'est pas un cul-de-sac, elle nous conduit à un point de départ. Une fois maître de son art, qu'il s'agisse d'informatique ou de musique, de yoga ou d'équitation, de philosophie ou de mécanique, chacun en use à sa façon. L'apprentissage ouvre une infinité de voies, peut-être inexplorées. On n'apprend jamais que pour la suite.

APPRENDRE, c'est un art de vivre. L'art d'entretenir dans son âge adulte ce feu que Montaigne voulait allumer chez l'enfant. Voilà qu'on nous propose chauffage et climatisation, pelisses et palais, lampes et fluos pour nous baigner de lumière et nous tenir au chaud. C'est fort bien, je n'aime pas les engelures. Mais ce confort-là ne réchauffe pas le cœur. Seule la flamme vive d'une attente aux aguets, d'une rencontre inespérée, d'une envie renaissante, d'une quête sereine et déraisonnable, nous tient éveillés dans ce monde hypnotique. C'est elle qui, face aux plaisirs mercantiles, nous garde à la bonne distance : non pas celle qui nous inflige la pénitence, mais celle, au contraire, qui nous procure la vraie jouissance. Lorsqu'on porte en soi ses propres passions, on ne se laisse plus abuser par les réclames tapageuses, on attend du progrès ce qu'il peut nous donner : des commodités et rien de plus.

Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Publicité