Nouveau départ ?
On reprend tout à zéro. Non, pas à zéro, on ne raye pas sa vie d'un trait de plume, ni d'un clic comme ça. Mais nouveau départ.
Je pose les bases pour un changement. Pas forcément choisi mais qui s'impose. Alors puisque c'est ainsi qu'il me faudra vivre désormais. On change.
On achète une nouvelle cuisinière, j'ai rétamé la dernière en faisant cuire un couvercle en plastique dans le four. Il n'a pas aimé. Moi non plus. Le four est foutu. On a choisi un modèle à induction, pas de manipulation de bouteille de gaz, moins de risque de brûlures.
Comme je n'ai pas toujours la tête à ce que je fais, il vaut mieux prévenir.
On a installé un réhausseur dans les toilettes. M'asseoir sur un siège bas est un supplice au réveil, m'asseoir est douloureux, me relever périlleux. Avec le réhausseur, c'est mieux.
Je pars en retraite pour invalidité. Je leur coûte moins cher à rester chez moi qu'à aller travailler avec un accident du travail à la clé. Je dois avouer que ça a du mal à passer. Je ne me sentais pas trop de reprendre, mais j'avais l'impression de décider. Et là, je ne décide rien. De toute façon, je ne guérirai pas. Le mieux qu'il puisse m'arriver, c'est que mon état reste stable. C'est ce que m'ont dit les toubibs. Et pour rester stable, c'est du boulot, n'allez pas croire qu'il suffit de se laisser vivre. En ce moment, j'ai 6 séances de rééducation par semaine. La rééducation, ce n'est pas s'allonger sur une table de massage en attendant des patouilles bienfaisantes. Non, c'est trimer, suer, souffrir sur des exercices pour faire travailler ces putains de muscles qui se barrent dès que j'ai le dos tourné.
Beaucoup de négations, je ne suis pas très positive. Une vraie déprime.
J'ai voulu rejoindre un groupe de chants. C'est impossible. Ça demande trop de concentration, j'en suis incapable. J'enrage. On me dit que les troubles cognitifs sont dûs à la maladie. Ce ne sont pas les neurones qui se foutent le camp, c'est la douleur qui prend toute la place et court-circuite les informations. Je veux bien mais au final, le résultat est le même. J'oublie tout, je paume tout. Je ne sais plus ce que j'ai fait de mes lunettes. J'ai des paires de secours, mais quand même...Ça fait une semaine que je cherche.
Je note tout, les rendez-vous, les trucs importants. Je fais des listes.
J'apprivoise l'idée qu'il faudra déménager. On n'installera pas de monte-escalier. Une maison de plain-pied en ville.
Ah oui, j'oubliais...si je pars pour invalidité, c'est pour préserver l'avenir car sur le montant de ma retraite (j'aurai mes 42 années) ça ne changera rien. Oui avec la mention invalidité, j'aurai une aide financière quand il me faudra une aide à domicile.
Et merde...vous comprendrez que je n'ai pas trop le moral devant l'avenir qu'on me prédit.
J'ai passé un IRM des cervicales : un nouveau niveau est touché. On voit que vous pouvez avoir mal, ça s'explique, m'a-t-on dit. Mal au dos, à la nuque, aux bras, aux mains, toujours mal aux fesses, aux jambes, et pourtant je bouffe des cachetons.
Cachetons qui me font grossir, 5 kg en 10 mois et je sens bien que cette jolie courbe de croissance ne va pas s'infléchir.
J'aurais pu me faire un cancer bien pourri, y'en a des qui ne s'en relèvent pas, alors faut pas que je me plaigne. Mais se prendre 30 ans dans la vue, comme ça en 3 ans c'est un peu rapide comme vieillissement.
Il y aura des jours meilleurs. Je l'espère. Ceux que je traverse en ce moment ont un goût de cendre assez indigeste.