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du tout venant
16 février 2018

Le mélomane

couloumy annefrancoise 5

 Anne-Françoise Couloumy

 

"Il ne faut jamais éclaircir le mystère. De toute façon, un écrivain ne le pourrait pas. Et même s'il cherche à l'éclaircir de manière méticuleuse, il ne fait que le renforcer.

Patrick Modiano

 

 

N'ayez pas peur !

Je ne demande pas une dissertation en trois paragraphes sur la citation de Modiano !

Mais simplement d'écrire, à partir de la toile du jour, une histoire un peu, beaucoup, passionnément ...

ONIRIQUE ETRANGEMYSTÉRIEUSE...

 

Et le mystère s'épaissit... jusqu'à lundi !

Flore avait emménagé, dans un nouveau quartier. Au 5ème sans ascenseur, et elle laissait un tiers de sa pauvre paie pour 15m2 ( loi Carrez). Alors, je grimpais. Ça me faisait les jambes. Au troisième, j'avais souvent un coup de mou. Je ralentissais l'ascension et reprenais mon souffle sur le palier. Il y avait toujours de la musique, au troisième à sa nouvelle adresse. J'appelle ça musique, car je suis un peu mélomane, d'aucun dirait qu'il y avait toujours du bruit au troisième.  Mais c'était un bruit mélodieux, entêtant, hypnotique. Je suis mélomane, vous dis-je. J'aimais bien ce bruit.

Un jour, je lui en avais parlé, en me rhabillant, après notre petit 5 à 7 hebdomadaire. Elle avait soulevé une paupière et m'avait regardé étonnée. Puis elle avait laissé retomber et la paupière et la tête sur l'oreiller.

- De la musique ? Au troisième ? Mon pauvre Edgar, tu as encore abusé du chichon. Y'a que des vieux au troisième. Et une espèce de vieille chouette. Et crois-moi, ils n'ont pas des tronches à écouter de la musique.

Je n'avais pas insisté. Pourtant, ce n'était pas de la musique de vieux que j'avais entendue. Je sais reconnaître, je suis mélomane. Mais je n'avais pas envie de contrarier Flore au saut du lit. Nos petits arrangements me convenaient parfaitement et elle était plutôt belliqueuse quand venait le moment de se séparer.

Avec l'entraînement, semaine après semaine, je grimpais les étages plus facilement mais je faisais toujours une pause au troisième plus par agrément que par nécessité. Je me serais bien installé là, accoudé à la rampe, pour fumer un clope en écoutant la musique. J'avais fini par repérer de quelle porte venait la mélodie. J'espérais qu'un jour elle s'ouvrirait et que je pourrais apercevoir ce que cachait cette antre magique. J'avais regardé le nom : " Molpé".J'avais toqué à la porte. J'avais fini par glisser un mot dans la porte avec mon 06,
Aucune réponse.
J'avais bien essayé de remettre le sujet sur le tapis, mais Flore, elle avait préféré remettre le couvert en me faisant taire d'un baiser prometteur.

Et puis, je m'étais lassé. Flore devenait de plus en plus exigeante. Elle voulait revoir les termes du contrat que je croyais avoir conclu avec elle. Elle rêvait de vie commune, de pot au feu partagé, de mélanger ses culottes et mes caleçons. Moi, ça ne me plaisait qu'à moitié, cette histoire de vivre à la colle. J'aimais ma liberté. J'avais pourtant continué à venir la voir chaque semaine, le jeudi, comme avant. Mais c'était plus pour la musique du 3ème que pour les agaceries de Flore.

Un jour, Flore, qui n'avait pas les deux pieds dans la même pantoufle, dégotta un kot plus spacieux et moins cher pour déposer ses pénates. Une vraie chambre, avec une autre pièce et un coin cuisine, un luxe qu'on pourrait partager à deux, disait-elle. J'étais au pied du mur. Il allait falloir que je me décide. J'ai dit non, moins pour fuir Flore, qui avait de sacrés bons côtés que pour ne pas perdre le délice musical du troisième. J'ai loué son ancien gourbi sous les toits. J'ai fini par ne plus aller au turbin. Par ne plus sortir. Pour de rien perdre de la musique. Je suis mélomane.

 

 

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